On va regretter l'agent sermonneur qui, sanglé dans son uniforme, faisait la leçon à la portière. Pour quelques kilomètres de trop, on subissait un rappel en règle de civisme routier qui pouvait néanmoins aboutir, avec un peu de compréhension, à la négociation. Avec la nouvelle génération de radars embarqués Gatso Milla, capable de prendre automatiquement, aussi bien en rapprochement qu'en éloignement depuis un véhicule en mouvement, tout cela va changer.
C'est en tout cas ce qu'anticipe le site spécialisé RMNG (Radars mobiles nouvelle génération) qui a analysé ce matériel déjà en usage dans les forces de police et de gendarmerie, mais que 440 véhicules banalisés, confiés à des sociétés privées, vont utiliser dès cette année sur nos routes et autoroutes. On imagine bien qu'avec un abaissement des vitesses limites sur les routes à deux voies sans séparation centrale, leur terrain de jeu est tout trouvé. Et la moisson de PV s'annonce prometteuse lorsque RMNG rappelle comment ils seront utilisés.
« Pour pouvoir effectuer un contrôle, la différence de vitesse minimum entre le véhicule porteur et le véhicule cible doit être de 20 km/h. Donc, sur une autoroute limitée à 110 km/h, le véhicule porteur ne devra pas circuler à plus de 90 km/h pour pouvoir flasher les véhicules circulant à partir de 111 km/h. » Mais, en réalité, l'application d'une correction de la mesure inscrite dans l'arrêté du 7 janvier 1991 conduit à abaisser toutes les vitesses constatées par radar.
Double tranchant
La tolérance est de 10 km/h pour les vitesses mesurées inférieures à 100 km/h et dix centièmes de la vitesse pour les vitesses mesurées égales ou supérieures à 100 km/h. Dans notre cas, ce sera donc 11 km/h à déduire, ce qui fait que le contrevenant potentiel ne l'est plus. Pour tenir compte de cette marge légale, sur une route à 110, les radars commenceront donc à verbaliser à partir de 124 km/h constatés (voir tableau de RMNG). Après application de la marge (arrondie à l'unité supérieure soit 13 km/h), cela amène effectivement à 111 km/h aux portes de l'infraction.
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Ce tableau montre, selon la limitation, à quelle vitesse un véhicule porteur de radar embarqué doit rouler pour verbaliser dès le premier km/h en trop. Un vrai piège à PV
Mais, rappelons-le, la nomenclature technique impose au véhicule porteur du radar d'avoir un différentiel de vitesse avec les contrevenants de 20 km/h au minimum. Ainsi, dans notre exemple, 124 - 20 = 104 km/h. En d'autres termes, pour pouvoir verbaliser dès le premier km/h de dépassement, le véhicule contrôleur devra se déplacer à 104 km/h maximum !
Machiavélique, car tout usager approchant ce véhicule sans méfiance et l'estimant trop lent le dépassera et atteindra à coup sûr lors de la manœuvre les 124 km/h qui déclenchent le PV. Sous couvert de tolérance corrigeant la vitesse retenue, la mesure se révèle ainsi à double tranchant et pousse à l'infraction. La moisson, nous vous l'avons dit, s'annonce excellente.
Voiture banalisée à 70
Les opérateurs de sociétés privées n'auront rien d'autre à faire qu'à conduire 10 km/h en dessous des limitations pour piéger un maximum de conducteurs.
Et si l'on regarde ce que cela donne pour les routes à deux voies qui passeraient à 80 km/h, on s'aperçoit que le véhicule radar pourra se déplacer, selon les mêmes critères, à 71 km/h maximum pour faire recette. Venus du 90, on peut déjà prédire que 100 % des conducteurs dépasseront ce lambin et se verront verbalisés s'ils passent le seuil des 91 km/h, ce qui sera à coup sûr le cas.
Sans aucune intervention de l'opérateur de la société privée, la cassette cryptée bourrée de fichiers MIF sera directement dépouillée par le centre national de traitement (CNT) qui enverra dans les jours suivants un courrier détaillé au fautif qui s'ignore (vitesse mesurée, lieu, date et heure du contrôle sens de circulation, numéro de la prise de vue, position GPS du lieu de contrôle et sens de détection). De quoi financer les 88 000 euros d'investissement par voiture avec ces Gasto Milla, un redoutable radar néerlandais qui enterre les Mesta 206 et 208. Et laisse un goût amer sur ce qu'est véritablement une sécurité routière bien comprise.
Et vous trouvez çà drôle!!!...
(Article du Point le 24 janvier 2018)