La Peugeot e-Legend n’a pas attendu d’être exposée au Mondial de l’Auto 2018 pour faire parler d’elle.
Dès la révélation des premières images officielles, le 20 septembre dernier, elle a séduit les internautes.
Immédiatement, une pétition est créée sur la plateforme change.org, réclamant à Peugeot une production en série.
Résultat, le compteur totalise près de 40 000 signataires
Dès le 2 octobre dernier, Jean-Philippe Imparato, le P-DG de Peugeot, prend la mesure du phénomène auquel il répond
par un tweet dans lequel il indique qu’à partir de 500 000 signatures obtenues, Peugeot devrait vraiment tenir compte de l’avis du public.
Le patron de la marque au Lion remet même une pièce dans la machine en annonçant un prix de 80 000 €.
Donner une valeur marchande à un concept-car, c’est plutôt rare, surtout quand aucun chiffrage précis n’a été réalisé.
C’est peut-être un signe de l’avancée de sa réflexion vers la production ?
Autres annonces médiatiques remarquées, celle de Carlos Tavares, le P-DG de PSA, qui s’est adressé directement au public
pour lui demander de soutenir le projet. Si au sommet de la pyramide le « big-boss » s’y met lui aussi, les indicateurs sont dans le vert.
Et plus marquant encore, car insolite, la diffusion d’une publicité dédiée au Peugeot e-Legend, juste avant le journal de 20 heures.
Un spot d’une minute durant laquelle on découvre sa plastique et sa technologie soigneusement mises en scène.
On ne peut rêver meilleur créneau horaire !
En tout cas, l’audace de Peugeot marque les esprits et vient renforcer son image de constructeur généraliste premium.
Pour contourner le problème de la chaîne de traction électrique qui n’existe pas, Peugeot pourrait utiliser le système hybride rechargeable de 300 ch à quatre roues motrices.
Puissance qui pourrait facilement grimper.
Dès lors, on souhaite au Peugeot e-Legend un destin similaire à celui du Polestar 1.
Dérivé du concept C coupé, présenté en 2013 par Volvo, il sera commercialisé au printemps 2019.
Enfin, la question de la légitimité d’un coupé familial dans la gamme Peugeot ne se pose même pas.
Dès le début des années 1960, le Coupé Peugeot 404 ouvre la voie.
En 1969, le coupé 504, auquel le concept-car e-Legend fait subtilement référence, prend la relève et tient un rôle de haut de gamme jusqu’au début des années 1980.
A la fin des années 1990, viendra le sublime coupé Peugeot 406, puis le coupé 407 reprendra le flambeau jusqu’en 2012.
Sans oublier le Peugeot RCZ, commercialisé de 2010 à 2015.
Cinq générations qui ne demandent qu’à avoir une succession.
Mis bout à bout, ces arguments appuient la thèse d’une commercialisation dans deux à trois ans....puis-je continuer de rêver...?
Dois-je jouer au Loto en vue de cette acquisition...? Allo Mme Irma?
Mais ne versons pas dans l’euphorie. La décision de Peugeot dépendra d’un arbitrage économique.
Voici les raisons qui pourraient faire pencher la balance dans le camp du "non".
Tout d’abord, il ne faut pas confondre un pur concept-car et un show-car.
Le premier, à l’image de l’e-Legend, ne prend pas en compte les considérations techniques et esthétiques d’un véhicule de production.
Tandis que le second n’est en réalité qu’une voiture de série grimée en concept-car et dont la production a d’emblée été validée (ex : l’Audi TT).
L’étude e-Legend a été développée en un an, alors qu’il en faut quatre pour concevoir un modèle de série.
Il n’y a qu’à regarder les fins et fragiles montants de pare-brise et de custode, ou encore, les bas de caisse anguleux et tranchants pour les piétons.
Une fois conforme aux différentes normes (crash-test…), la version de série du Peugeot e-Legend sera-t-elle encore aussi désirable ?
Ensuite, Peugeot a-t-il les moyens de s’offrir un véhicule-image ?
Peut-être, mais ce n’est pas sa priorité. Des sources internes affirment que ce coupé n’est pas au programme.
D’ailleurs le programme R8 (celui de la 508) ne prévoyait pas de coupé.
Pour son haut de gamme, Peugeot préfère étudier un grand SUV (le futur Peugeot 6008 ?) qui séduira le marché chinois et les Etats-Unis où PSA étudie un retour.
A l’inverse un coupé n’aura pas la même vocation mondiale et donc le même potentiel commercial.
Il faut dire aussi que jusqu’en 2021, Peugeot a du pain sur la planche avec le lancement d’une nouveauté majeure tous les ans : 208, 2008 et 308.
Viendront ensuite les remplaçants des 3008 et 5008.
Il est indéniable qu’avec le e-Legend Peugeot a réussi un très joli coup de « com ».
Les dirigeants de la marque s’amusent de cet engouement et on les comprend. Mais une souscription eut été plus utile qu’une pétition !
En effet, parmi les presque 40 000 signataires combien sont prêts à débourser 80 000 € ?
Et encore, si l’on reprend l’exemple de la Polestar 1, modèle semblable par la taille et la technique au e-Legend, le prix de vente s’élève à 130 000 euros.
De plus, le Polestar 1 s’appuie sur la plateforme technique et sur une grande partie des éléments mécaniques de véhicules de série tels les Volvo XC90, S90 et V90 T8.
Des modèles vendus chacun autour de 100 000 euros. A titre de comparaison, la plus chère des Peugeot : la Peugeot 508 SW First Edition n’atteint pas 53 000 euros.
Le client Peugeot est-il prêt à plus que doubler cette somme pour s’offrir un coupé exclusif ?
Sachant de plus, que la marge bénéficiaire de Peugeot ne pourra pas être aussi élevée que celle d’un constructeur premium.
L’équation économique s’annonce vraiment difficile à résoudre.
En outre, l’assemblage en petite série, n’est pas possible dans les usines PSA.
Les chaînes de montage ne sont pas assez flexibles pour tenir de si faibles cadences.
La seule solution industrielle viable est de faire appel à un sous-traitant comme Magna Steyr ou Valmet,
comme tel était le cas du Peugeot RCZ, sacrifié pour redresser le groupe PSA.
Vous l’aurez compris, le rêve n’est pas près de devenir réalité. Ou alors il faudrait faire de nombreux compromis.
Le premier d’entre eux serait d’oublier le moteur électrique et de loger un « gros » moteur V6 (qui n’existe pas chez Peugeot).
Une requête maintes fois entendue sur le stand.
En attendant, faites comme moi, signez la pétition !
On ne sait jamais, si le rythme ne faiblit pas, le compteur aura atteint l’objectif des 500 000 signatures dans approximativement un an et 100 jours.
On refait le point le 19 janvier 2020 ?